Décision importante : dans un communiqué du 13 septembre 2023, la Cour de cassation a justifié plusieurs décisions rendues ce même jour, toutes ayant pour thème les droits à congés payés des salariés :
👉La Cour de cassation met en conformité le droit français avec le droit européen en matière de congé payé.
Elle garantit ainsi une meilleure effectivité des droits des salariés à leur congé payé.
- les salariés malades ou accidentés auront droit à des congés payés sur leur période d’absence, même si cette absence n’est pas liée à un accident de travail ou à une maladie professionnelle ;
- en cas d’accident du travail, le calcul des droits à congé payé ne sera plus limité à la première année de l’arrêt de travail ;
- la prescription du droit à congé payé ne commence à courir que lorsque l’employeur a mis son salarié en mesure d’exercer celui-ci en temps utile.
Pourquoi ? La Cour de cassation avait déjà alerté le législateur à plusieurs reprises sur la non-conformité du droit national (où les congés sont « acquis » lors du travail, et « non acquis » en cas de maladie) par rapport au droit européen (prévoyant qu’une situation indépendante de la volonté du salarié telle que son état de santé ne peut le priver de son droit à congé). En l’absence de réaction au niveau de la règlementation, la Cour de cassation a donc fini par appliquer directement les principes européens à plusieurs litiges en cours :
- Pourvoi n° 22-17.340
- Pourvoi n°22-17.342
- Pourvoi n°22-17.638
- Pourvoi n°22-10.529
- Pourvoi n°22-11.106
Comment ? Concernant l’acquisition des congés payés pendant la maladie, la Cour de cassation raisonne ainsi :
- d’après la CJUE, en application de la directive 2003/88/CE, un salarié absent pour maladie n’a pas moins de droits à congés payés qu’un salarié qui a effectivement travaillé pendant la période de référence
- donc : un Etat ne peut pas subordonner l’acquisition des CP à un travail effectif (en tout cas pour les salariés en arrêt maladie)
- donc : l’article L. 3141-3 du code du travail qui subordonne le droit à congé payé à l’exécution d’un travail effectif, n’est pas conforme au droit de l’Union européenne
- or : le droit aux congés payés est un droit issu de l’article 31 §2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
- Et : dans les litiges entre particuliers, la jurisprudence de la CJUE impose au juge national de garantir ce droit en écartant au besoin la règlementation nationale
- donc : l’article L. 3141-3 du code du travail doit être écarté
èConséquence : les salariés atteints d’une maladie ou victimes d’un accident, de quelque nature que ce soit (professionnelle ou non professionnelle) ont le droit de réclamer des droits à congé payé en intégrant dans leur calcul la période au cours de laquelle ils n’ont pas pu travailler.
èDe la même manière, il est contraire au droit européen de limiter à un an, en cas d’accident de travail, l’acquisition des CP : l’article L. 3141-5 doit donc être carté et le salarié a droit à des congés payés sur toute la période d’AT.
èEn outre, le droit européen prévoit que le délai de prescription de l’indemnité de congé payé ne peut commencer à courir que si l’employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer effectivement son droit à congé payé : la prescription triennale de l’article L. 3245-1 ne peut donc pas être opposé au salarié, si l’employeur n’a pas mis le salarié en mesure de prendre ses congés (en l’espèce l’employeur ne reconnaissait pas l’existence d’un contrat de travail : les congés acquis sur les 10 ans de relation contractuelle, finalement reconnues par le juge, n’étaient donc pas prescrits).
- Côté paye, les répercussions en paie de ces décisions, très récentes, sont en cours d’analyse, et côté logiciel nous restons en attente des solutions qui nous seront communiquées via les mises à jour à venir prochainement.
Articles de presse :
Les Echos – Les salariés en arrêt maladie doivent acquérir des droits à congé