Pour être considéré « collectif et obligatoire » et ainsi bénéficier des exonérations attachées à la part patronale des cotisations le finançant, un régime de prévoyance complémentaire ne peut prévoir des cas de dispense d’affiliation que dans un cadre restreint par le Code de la sécurité sociale.
Ces cas de dispense (Récapitulés dans le BOSS sous §800) sont soit :
- Facultatifs : c’est-à-dire à prévoir par l’acte fondateur définissant le régime (à défaut, ils ne peuvent s’appliquer)
- De droit : dans ce cas, même sans être prévus dans l’acte fondateur, ils peuvent être invoqués par le salarié qui souhaite être dispensé d’affiliation
Parmi ces cas de dispense : le fait pour un salarié de bénéficier par ailleurs, y compris en tant qu’ayant-droit, d’une couverture collective et obligatoire, est prévu :
- En matière de remboursement de frais de santé spécifiquement : à l’article D911-2, 3° a du Code de la sécurité sociale : il s’agit d’un cas de dispense de plein droit
- Plus généralement, en matière de prévoyance : à l’article D911-4 renvoyant à R242-1-6 : il s’agit d’un cas de dispense « facultatif », valable uniquement s’il est prévu par l’accord
Remarque : dans l’arrêt évoqué ci-après, c’est le dernier cas de figure (b) ci-dessus qui est envisagé, mais il est probable que le raisonnement s’applique aussi bien pour le cas (a).
👉Lorsque c’est le salarié lui-même qui est bénéficiaire de la couverture collective et obligatoire d’un autre régime (par exemple un salarié multi-employeurs, qui serait déjà couvert au titre d’un autre contrat de travail), cela ne pose pas tellement de difficulté
👉Par contre, lorsque le salarié demande une dispense en déclarant être couvert en tant qu’ayant-droit par un autre régime collectif, les choses se compliquent
En effet, à part une ancienne circulaire DSS (circ. DSS/SD5B 2013-344 du 25 septembre 2013), abrogée et non reprise dans le BOSS en septembre 2022, aucun texte ne précise si l’extension aux ayants-droit de cet autre régime collectif doit être obligatoire pour ouvrir droit aux dispenses d’affiliation. Le BOSS renvoie simplement aux règles d’exonération de la cotisation patronale (et donc au caractère collectif et obligatoire du régime), mais cela n’ôte pas le doute, et par conséquent deux hypothèses se présentent :
èLe salarié bénéficiaire, en tant qu’ayant-droit, d’une couverture collective peut-il demander une dispense d’affiliation uniquement dans le cas où le régime en question prévoit la couverture des ayants-droit à titre obligatoire ?
èOu bien le salarié bénéficiaire en tant qu’ayant-droit d’une couverture collective peut-il demander une dispense d’affiliation même si son affiliation en tant qu’ayant-droit est facultative, à la seule condition que le régime soit collectif et obligatoire pour le salarié auquel il est rattaché ?
La question est cruciale, car l’enjeu est la préservation des exonérations tenant à la part patronale des cotisations finançant le régime, et en pratique ce cas de dispense est régulièrement invoqué par les salariés. L’employeur se trouve donc dans la situation délicate de devoir demander au salarié si, en tant qu’ayant droit, sa couverture est obligatoire ou non.
Dans une affaire jugée récemment (Cass. soc. 7 juin 2023, n° 21-23743), un employeur avait imposé à un salarié d’adhérer au régime de remboursement de frais de santé obligatoire mis en place dans l’entreprise, malgré la demande de dispense formulée par le salarié. Le salarié estimait qu’il pouvait légitimement demander une dispense d’affiliation au régime, car il était par ailleurs bénéficiaire, en tant qu’ayant-droit, du régime frais de santé de son épouse, et il demandait par conséquent le remboursement des cotisations qu’il estimait indûment prélevées sur son salaire. Seulement, pour l’employeur, cette affiliation en tant qu’ayant-droit ne lui permettait pas de demander une dispense d’affiliation au régime de frais de santé de son entreprise, car seule son épouse était affiliée à titre obligatoire : lui, en tant qu’ayant-droit, n’était affilié qu’à titre facultatif, conformément à la décision unilatérale mise en place dans l’entreprise de l’épouse.
La Cour de cassation apporte la solution suivante :
- Selon l’article R. 242-1-6, 2°, f), du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2014-786 du 8 juillet 2014, une faculté de dispense d’adhésion est prévue au bénéfice des salariés, lorsque les garanties ont été mises en place dans les conditions fixées à l’article L. 911-1 du code de la sécurité sociale et que l’acte qui met en place ces garanties prévoit, quelle que soit leur date d’embauche, les cas de dispense des salariés qui bénéficient par ailleurs, y compris en tant qu’ayants droit, d’une couverture collective relevant d’un dispositif de prévoyance complémentaire conforme à un de ceux fixés par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, à condition de le justifier chaque année.
6. Aux termes de l’article 2.2 de l’avenant n° 2015-01 du 27 janvier 2015 relatif à la généralisation de la couverture de frais de santé de la convention collective nationale des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951, par dérogation au caractère obligatoire, conformément aux dispositions de l’article R. 242-1-6 du code de la sécurité sociale, peuvent à leur initiative se dispenser d’affiliation au présent régime frais de santé complémentaire en fournissant régulièrement à leur employeur les justificatifs correspondants, les salariés qui bénéficient par ailleurs pour les mêmes risques, y compris en tant qu’ayants droit, d’une couverture collective relevant d’un dispositif de protection sociale complémentaire présentant un caractère collectif et obligatoire, sous réserve de le justifier chaque année.
7. Il en résulte que la dispense d’adhésion au régime complémentaire collectif et obligatoire mis en place dans l’entreprise du salarié n’est pas subordonnée à la justification qu’il bénéficie en qualité d’ayant droit à titre obligatoire de la couverture collective relevant d’un dispositif de protection sociale complémentaire présentant un caractère collectif et obligatoire de son conjoint.
èAinsi, pour la Cour de cassation, ce qui importe, c’est avant tout le caractère collectif et obligatoire du régime pour le salarié. Dès lors que ce critère est rempli, que l’ayant-droit soit rattaché au régime à titre facultatif ou obligatoire, il pourra dans un cas comme dans l’autre faire jouer la demande de dispense d’affiliation au régime de son propre employeur.
☝️ Quelques réserves quant à la portée de cette décision néanmoins :
- Comme dit précédemment, dans cette affaire il était question d’un cas de dispense « facultatif », qui dévait être prévu par le régime. La source juridique, pour le cas de dispense d’ordre public réservé aux frais de santé, est différente. La rédaction similaire de ces textes permet toutefois de supposer que la décision soit applicable dans les deux cas
- Par contre, il faut souligner que cet arrêt est rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation, puisqu’il s’agit d’un contentieux prud’homal : la décision serait-elle appliquée de la même manière par les juges de la 2ème chambre civile, si le contentieux portait par exemple sur un redressement URSSAF ?
Pour terminer, une remarque pratique : le BOSS (§920) précise les modalités accompagnant la demande de dispense du salarié :
Pour être admises, les dispenses d’adhésion doivent relever du libre choix du salarié, ce qui implique que chaque dispense résulte d’une demande explicite de sa part, traduisant un consentement libre et éclairé. Quel que soit le motif de dispense, cette demande du salarié prend la forme d’une déclaration sur l’honneur qu’il remet à son employeur. Le salarié doit désigner dans sa déclaration l’organisme assureur lui permettant de solliciter la dispense ou la date de fin de droit. La déclaration doit également préciser les garanties auxquelles il renonce et comporter la mention selon laquelle il a été préalablement informé par l’employeur des conséquences de son choix.
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