L’aménagement du temps de travail sur l’année avec un décompte journalier (forfait annuel en jours, ou forfait jours) implique de convenir, entre l’employeur et le salarié, d’un nombre de jours de travail annuel, dans les limites prévues par la convention ou l’accord collectif applicable. Le salarié bénéficie, outre les congés payés classiques, de jours de repos dont le nombre est susceptible de varier d’une année sur l’autre, et dont l’objet est d’assurer le non-dépassement du volume de jours prévu au forfait.
En raison de l’encadrement dont ce dispositif, dérogatoire au décompte horaire de droit commun, fait l’objet, le dépassement par le salarié du nombre de jours prévu au forfait (exemple : un salarié travaillant 219 jours alors qu’il s’agit d’un forfait de 218 jours) n’est pas un évènement anodin : le Code du travail prévoit en effet que le salarié puisse dépasser le nombre de jours du forfait, mais cela fait l’objet d’un formalisme : le salarié renonce, avec l’accord de son employeur, à des jours de repos afin de travailler plus que le nombre de jours prévu par le contrat (dans le respect des maxima prévus par le texte conventionnel, ou 235 jours maximum par an légalement). Ce formalisme est d’autant plus important que les parties doivent, par avenant, convenir d’un taux de majoration qui sera appliqué à la valeur du temps de travail supplémentaire lors de la rémunération de ces jours.
Le Code du travail prévoit un minimum de 10% de majoration, pouvant être plus élevé en fonction des accords ou conventions collectives, ou par accord des parties.
En paie, la question de la rémunération de jours excédentaires se pose régulièrement : mon salarié en forfait jours a travaillé plus de jours que prévu, mais nous n’avons rien convenu, il n’a pas renoncé expressément à des jours de repos : que faire ? Comment rémunérer ces jours ?
Le premier conseil à donner pour préserver la paix sociale dans un tel cas est de trouver rapidement, de concert avec le salarié, un accord exprès sur la renonciation à des jours de repos et l’indemnisation de ces jours conformément aux principes exposés ci-dessus. D’autres solutions sont toutefois possibles, notamment le placement de jours de repos sur un compte épargne-temps, lorsque celui-ci existe.
En l’absence d’accord entre l’employeur et le salarié sur le dépassement du forfait, voici quelques principes jurisprudentiels :
- Le dépassement du nombre de jours prévu dans le forfait ne remet pas en cause la validité du forfait (le forfait n’est pas nul, le salarié ne peut pas réclamer de ce seul fait le paiement d’heures supplémentaires) : Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 octobre 2018, 17-12.535, Inédit
- Historiquement (avant l’existence du dispositif légal de rachat des jours de repos), le salarié pouvait obtenir l’indemnisation du préjudice subi du fait du dépassement (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 décembre 2010, 09-42.626, Publié au bulletin). D’après certains auteurs (Editions Francis Lefebvre, Série OA §32700) cette jurisprudence conserve tout son intérêt aujourd’hui malgré les évolutions légales, lorsque l’employeur et le salarié n’ont pas formellement convenu du dépassement
- Aujourd’hui, le Code du travail prévoyant le dispositif de renonciation aux jours de repos, en cas de litige le salarié peut obtenir son indemnisation en se plaçant sur ce terrain, ce qui permet de mieux chiffrer la valeur du dépassement et de connaître les taux de majoration dont le salarié aurait pu bénéficier en cas de renonciation à des jours de repos
Dans une décision récente (Cour de cassation, Chambre sociale, 26 janvier 2022, 20-13266), ce dernier point vient d’être précisé par la Cour de cassation :
Un salarié est licencié et saisit les prud’hommes. Son contrat de travail prévoyait un forfait annuel en jours. Il avait dépassé le volume de jours du forfait.
Le salarié réclame un paiement des jours de travail excédentaires, assorti d’une majoration salariale de 25%. Or :
- aucun avenant n’avait été signé entre l’employeur et le salarié pour fixer le taux de majoration de la rémunération des jours excédentaires
- l’employeur avançait que le Code du travail ne prévoit qu’une majoration de 10% en cas de renonciation à des jours de repos
La Cour de cassation a validé le raisonnement des juges du fond, qui ont considéré que le juge n’est pas lié par le taux de 10% prévu par le Code du travail, qui est un taux minimum. Ils peuvent donc indemniser les jours de travail excédentaires en appliquant un taux de majoration supérieur, en l’espèce 25%.
Une raison supplémentaire de prévenir tout risque de litige en anticipant et en formalisant tout dépassement de forfait jours.
La Revue Fiduciaire dédie un article à cette jurisprudence.
D’autres articles plus généraux : Tissot ou Liaisons Sociales (ancien)