Acquisition des congés payés pendant la maladie – nouvel épisode de la saga « droit européen vs national »

En paie « française », en pratique, les absences pour maladie non professionnelle ne donnent pas lieu à acquisition de congés payés.

 

Bien que certaines conventions collectives ou usages peuvent prévoient, par exception, une acquisition de congés pendant de telles absences (sous certaines conditions et pendant des périodes plus ou moins longues), la règle générale issue du Code du travail  (articles L3141-3 et suivants) impose de tenir compte des périodes de travail effectif pour l’acquisition des congés payés, et l’absence maladie pour motif non professionnel ne figure pas dans la liste des absences assimilées à du travail effectif.

 

La directive européenne 2003/88/CE prévoit pour tout travailleur un congé payé annuel d’au moins 4 semaines. Ce texte ne précisant pas que les 4 semaines puissent être réduites en cas d’absence pour maladie, la Cour de cassation a déjà considéré que la règlementation française n’était pas conforme au droit européen, en encourageant le législateur à mettre à jour les textes au regard des exigences communautaires. Toutefois le droit national reste applicable entre particuliers, la directive n’étant applicable directement qu’aux salariés des employeurs assimilés à une autorité publique.

 

Dans un arrêt du 2 mars 2022 (n° 20-22214), un employeur ayant cette qualité (société de transports publics) avait réduit le congé acquis des salariés en maladie en tenant compte de leurs absences. La directive européenne a été invoquée et les juges ont rendu la décision prévisible :

 

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, n’opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d’un congé de maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période. Il s’ensuit que, s’agissant de travailleurs en congé maladie dûment prescrit, le droit au congé annuel payé conféré par cette directive à tous les travailleurs ne peut être subordonné par un Etat membre à l’obligation d’avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit Etat (CJUE, 20 janvier 2009, C-350/06, Schultz-Hoff, point 41 ; CJUE 24 janvier 2012, C-282/10, Dominguez, point 20)

 

Au-delà du principe appliqué à l’appui de cette solution, il est intéressant de noter que les juges ont étendu la portée de leur décision en rappelant que d’après les principes dégagés par la CJUE « lorsque le litige oppose le bénéficiaire à un employeur ayant la qualité de particulier […] en cas d’impossibilité d’interpréter une réglementation nationale de manière à en assurer la conformité avec l’article 7 de la directive 2003/88/CE et l’article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux, la juridiction nationale doit laisser ladite réglementation nationale inappliquée ».

 

La Cour de cassation semble ainsi suggérer (bien que la tournure employée permette d’autres interprétations) au juge national de ne pas appliquer les articles du Code du travail non conformes à la directive, y compris dans les litiges concernant les employeurs ayant la qualité de particulier (donc les employeurs « classiques », par opposition aux employeurs assimilés à une autorité publique). Il se pourrait donc qu’en l’absence d’évolutions règlementaires, les prochaines décisions de la Cour de cassation apportent des changements en matière d’acquisition des congés payés pendant la maladie.

 

A suivre dans les jurisprudences futures…

 

Plus de précisions dans un article très intéressant de la Revue Fiduciaire : Arrêt maladie et droit à congés payés : l’étau du droit européen se resserre